Fin mars. Pour quatre jours, je profite de l’espace d’exposition au CEUM, toujours vide à cause de la pandémie. Quatre jours pour explorer des gestes et des performances, en solo et sous l’œil attentif d’Anaïs, la cinéaste qui travaille avec la Chaire. J’arrive ici avec une grande boite de plastique remplie d’objets, de vêtements transformés et d’outils, peu de couleurs cette fois-ci : petits organes de plastique orange qui sonnent creux ; vêtement de danse beige qui me permet d’être nue et habillée en même temps ; des images photocopiées, des illustrations d’utérus datant du Moyen-Âge jusqu’aux années soixante ; des rubans roses, beiges et noirs; mes souliers rouges à talon, avec les petites boucles sur les orteils ; mon ventre de grenouille qui pousse depuis le début de l’automne et enfin prêt à tester ; papier, crayons et aquarelles pour réfléchir autrement. Une fois les objets étalés sur la grande table, pour les avoir à vue, il s’agit de me réapproprier l’espace - plancher et colonnes en béton, murs blancs – pour y déployer des gestes. Comment toutes ces choses résonnent-elles ensemble ici?
J’arrive aussi avec le terme AMBIVALENCE comme bagage. Ce mot, qui revient d’un entretien à l’autre et d’une femme à l’autre, devient PARADOXE, puis CONTRADICTION, se transforme en COMPLEXITÉ pour décrire l’expérience de la grossesse, de l’accouchement et de la maternité. Que des zones grises ici, fluctuations de lumières, états physiques et psychologiques qui ne peuvent être résumés pour faire simple. J’apprends à biffer les MAIS et à juxtaposer les ET à l’infini. Je suis ceci ET cela. J’ai vécu ceci ET cela. Moi qui aime les formes et les états hybrides, je suis servie!
La fable comme forme de récit, de transformation du réel, s’est imposée depuis quelques mois. Surtout en lien avec le travail en performance et en vidéo. La fable donc, un sujet de récit selon une vieille utilisation du mot. Du côté de la littérature, on parle plutôt d’un récit de fiction qui exprime une vérité générale. La fable peut-elle aussi exprimer une vérité collective? Du côté du Larousse, on propose trois définitions : L’apologue, le récit allégorique d’où l’on tire une moralité (je n’ai pas beaucoup d’amour pour ce mot… que je remplace par nécessité) ; un ensemble de récits mythologiques de l’antiquité (les femmes accouchent depuis toujours!) ; finalement, la fable renvoie au propos mensonger, à des histoires, des allégations inventées de toutes pièces. Et c’est beaucoup ainsi que l’on vit avec les violences obstétricales : ne pas être entendue ; lorsqu’on est entendue, ne pas être crue ; lorsqu’on est crue, se faire dire que des millions de femmes l’ont toujours supporté sans broncher ; lorsqu’on pique une colère, se faire traiter d’hystérique. Alors, je me surprends à rêver d’une vagina dentata, d’un utérus muni de dents acérées, peut-être la meilleure ligne de défense contre, pour ne nommer qu’un exemple, tous ces doigts hospitaliers insérés dans le vagin sans consentement.